Bonjour à Toutes et à Tous,
Jean Paul BAILLY doit vraiment se mordre les doigts d'avoir choisi cette pleine période de crise économique pour annoncer son projet de privatisation de La Poste ! Aurait'il pu choisir pire moment ? Non..., et tant mieux ! car comme vous l'aurez compris, l'équipe du Blog ne porte pas ce projet dans son coeur...
A ce sujet et pour continuer d'élargir le débat sur la dite "Ouverture de Capital", nous tenions à vous faire partager l'excellent travail d'analyse d'Emmeline et Jean Edouard, un couple de bloggeurs économistes de talent qui a eu la bonne idée de se poser la vraie question... >>> Faut'il mieux ouvrir le Capital de La Poste ou émettre de la dette pour récupérer les 3 milliards !
Temps de lecture estimé env.10Mn, alors si vous n'êtes que de passage, revenez plus tard...
Morceaux Choisis :
"Cela fait déjà quelque temps que le PDG de La Poste, Jean-Paul Bailly, a annoncé qu'il était prêt à ouvrir le capital de l'entreprise publique, mesure rendue nécessaire selon lui par l'ouverture du secteur à la concurrence au 1 janvier 2011, et la nécessité d'investir massivement en prévision.
Ces déclarations sont étonnantes, et incomplètes. Étonnantes d'abord parce que c'est à l'Assemblée Nationale de décider d'une éventuelle ouverture de capital, et que Jean-Paul Bailly n'est là que pour exécuter les volontés de l'Etat, unique actionnaire de La Poste. On comprendrait qu'il avertisse le gouvernement de la nécessité de procéder à de lourds investissements, mais pourquoi le déclarer publiquement et faire ainsi pression sur le gouvernement (probablement avec l'assentiment de celui-ci) ?
Incomplètes ensuite parce que l'ouverture de capital n'est pas la seule façon de lever des fonds pour procéder à de nouveaux investissements. D'abord l'Etat pourrait simplement donner/prêter davantage de capital à La Poste. S'il faut recourir à des capitaux privés, La Poste peut aussi comme n'importe quelle entreprise émettre des obligations, c'est-à-dire s'endetter.
Pour quelles raisons l'ouverture de capital serait-elle préférable à l'émission de dette ? Examinons cinq arguments avancés par les promoteurs comme par les détracteurs de cette mesure :
1 – L'ouverture de capital serait un mode de financement moins coûteux et moins risqué que l'endettement.
2 – L'ouverture de capital soumettra La Poste à la discipline du marché et aux exigences des actionnaires. Elle serait ainsi mieux gérée et fournirait un meilleur service à moindre coût.
3 – Annoncée au bon moment et avec une publicité adéquate, l'offre publique initiale d'actions permettrait à l'Etat de gagner plus d'argent qu'il ne perd en bénéfices futurs.
4 – Même si l'Etat ne gagnait rien économiquement à l'ouverture de capital, le gouvernement y trouverait un gain de court terme :
a – Certains citoyens, milieux, groupes d'intérêt etc. peuvent être favorables à l'ouverture du capital d'une entreprise publique soit pour des motifs idéologiques, soit par intérêt personnel. L'ouverture permettrait de gagner du soutien politique.
b – Avec un budget difficile à boucler, l'ouverture de capital permet au gouvernement de se procurer des liquidités sur le court terme, au risque de perdre plus en revenus futurs que l'ouverture ne rapporte aujourd'hui. Dans ce cas il faudrait que l'ouverture de capital soit plus importante qu'il ne serait nécessaire pour couvrir les nouveaux investissements.
5 - En devenant le patron d'une entreprise de statut mixte, Jean-Claude Bailly pourrait espérer une hausse importante de sa rémunération.
Nous nous attacherons surtout à l'argument 1, qui est économiquement faux. L'argument 2 est douteux, le 3 n'est pas faux mais son contraire ne l'est pas non plus. Nous laisserons nos lecteurs juges de la pertinence des arguments 4a, 4b et 5...
En résumé, le problème de l'argument 1 est le suivant : si les agents privés sont prêts à financer les investissements futurs de La Poste en achetant des actions, pourquoi ne seraient-ils pas prêts à financer les mêmes investissements en achetant des titres de dette qui leur rapporteront les mêmes gains ? Inversement, si des investisseurs financent La Poste en achetant sa dette, pourquoi seraient-ils prêts à la financer moins cher en achetant des actions ? Y a pas marqué la Poste ici...
>> LE FINANCEMENT PAR LA DETTE EST ÉQUIVALENT AU FINANCEMENT PAR ACTIONS ?
Modigliani et Miller, "prix Nobel d'économie" en 1985 et 1990, ont montré en 1958 que sous certaines hypothèses il était équivalent pour une firme de se financer par actions ou par endettement, ce qui vaut également pour La Poste.
Examinons un exemple très simple : une entreprise, que nous appellerons La Poste, envisage de financer un nouvel investissement. Disons pour simplifier encore plus qu'elle n'a pas d'actifs initiaux. Si elle n'investit pas, elle fera 1.000.000 d'euros de bénéfices avec une probabilité de 90%, et 200.000 euros avec une probabilité de 10%. Si elle investit 300.000 euros, elle fera avec les mêmes probabilités 2.000.000 d'euros ou 200.000 euros de bénéfices. L'introduction de plusieurs voire une infinité de périodes, l'adoption de paiements plus généraux et autres modifications ne changerait rien au résultat.
Supposons d'abord que cet investissement soit financé par de la dette. La Poste doit émettre pour 300.000 euros d'obligations en promettant de repayer 300.000*(1+i) après avoir engrangé des bénéfices si l'investissement réussit (90% des cas). Dans 10% des cas, La Poste n'a pas assez pour rembourser sa dette, et ses 200.000 euros de bénéfices iront tout entiers au remboursement partiel des créanciers. i est le taux d'intérêt sur la dette de La Poste (les créanciers exigent des taux différents selon les entreprises).
Si les investisseurs achètent de la dette publique sans risque, elle leur rapportera un rendement d'environ 5% (ce taux fluctue en fonction de l'inflation, mais le rendement net est toujours d'environ 2%) ; pour leur donner envie d'investir 300.000 euros, il faut donc que i soit suffisant pour qu'ils espèrent gagner autant en prêtant à La Poste.
On doit donc avoir : 0,9*300.000*(1+i) + 0,1*(200.000) = 300.000*(1+0,05)
soit i = (5/54), à peu près 9,25% . La différence entre le taux sans risque de 5% et i compense exactement le fait qu'il y a 10% de chances pour que la dette ne soit pas exactement remboursée. C'est peut-être pour cela qu'on peut avoir l'impression que la dette est "chère".
Mais que se passe-t-il si La Poste émet des actions ? Elle doit alors ouvrir x % de son capital pour lever les 300.000 euros nécessaires pour l'investissement, ce faisant elle vend x % de ses bénéfices futurs contre de l'argent aujourd'hui. Pour convaincre les investisseurs d'acheter 300.000 euros d'actions, il faut que cela leur rapporte autant que de les placer au taux sans risque, soit toujours 300.000*(1+0,05)=315.000 euros.
Détenir x % du capital de La Poste donne droit à x % de ses bénéfices, et x doit être tel que cette part des bénéfices rapporte en moyenne 315.000 euros.
On doit donc avoir : x % * 0,9*2.000.000 + x % * 0,1*200.000 = 315.000
Ce qui donne x = (63/364), à peu près 17,3%.
Quelle solution est la moins coûteuse pour l'Etat, ouvrir 17,3% du capital de La Poste, ou émettre de la dette à 9,25% ?
Dans le premier cas, l'Etat garde le contrôle total de La Poste et reçoit tous ses bénéfices une fois la dette payée.
Dans ce cas-ci, il reçoit donc en moyenne : 0,9*(2.000.000-(59/54)*300.000) + 0,1*(200.000-200.000) = 1.505.000
Dans le second cas, l'Etat n'a pas de dette à rembourser, mais ne reçoit que 82,7% des bénéfices soit : (301/364)*(0,9*2.000.000 + 0,1*200.000) = 1.505.000
Et donc dans les deux cas exactement la même chose. Ce résultat, très général, est connu sous le nom de théorème de Modigliani-Miller [1958] : choisir de se financer par dette ou par actions n'a pas d'incidence sur l'activité réelle de l'entreprise et ne change donc rien à sa valeur, il n'y a donc pas de façon plus chère ou moins chère de se financer.
Beaucoup de commentateurs semblent oublier que lorsqu'on ouvre le capital d'une entreprise on ne reçoit pas de l'argent gratuitement : on vend une partie de ses bénéfices. Si elle ne fait pas de bénéfices personne ne voudra acheter d'actions, et dans le cas contraire ceux-ci permettent de se financer par dette.
>> ... OU ALORS S'ENDETTER EST EN GÉNÉRAL MOINS COUTEUX
Le théorème de Modigliani-Miller a des conséquences peu plausibles (il implique notamment que les entreprises ne devraient pas se préoccuper de leur financement, ce qui mettrait au chômage la population entière des directeurs financiers, dont le rôle ne semble pourtant pas être si insignifiant puisqu'ils sont souvent les dauphins des PDG) car il repose sur des hypothèses simplificatrices à l'extrême. Mais relâcher chacune de ces hypothèses donne une nouvelle raison de privilégier la dette par rapport aux actions. Ainsi :
- La présence d'impôts : pour les entreprises privées c'est la principale raison pour laquelle les actionnaires préfèrent un financement par dette [Miller 1977]. Cependant, comme l'Etat touche les impôts qu'il paie en tant qu'actionnaire, la question ne se pose pas ici.
- La présence de coûts de faillite ou de renégociation : c'est peut-être le fondement de l'argument selon lequel le financement par dette est plus "risqué". Pour le comprendre, reprenons notre exemple précédent en ajoutant une nouvelle période, à laquelle une fois encore les bénéfices sont de 2.000.000 ou 200.000 euros. Si La Poste se finance par actions, quoi qu'il arrive l'entreprise restera active pendant les deux périodes. Si elle se finance par dette et que les bénéfices sont bas, elle ne peut pas rembourser sa dette. Les détenteurs d'obligations peuvent demander la mise en faillite et la liquidation de La Poste afin de récupérer leur investissement : il y a donc effectivement un risque. Néanmoins dans ce cas l'entreprise est toujours rentable en espérance, La Poste et les détenteurs d'obligation auraient donc intérêt à procéder à un ré échelonnement de la dette, qui pourra être remboursée à la période suivante (probablement à un taux plus élevé). Si cette renégociation peut s'effectuer sans coût, on retrouve le résultat d'équivalence de la partie précédente.
Autrement dit, le seul intérêt de se financer par actions est d'éviter de subir des coûts de renégociation de la dette ou de refinancement en cas de difficulté, voire d'éviter une fermeture inefficace de l'entreprise [Myers 1977]. Or, tant que La Poste reste une entreprise publique, elle bénéficie de la garantie implicite ou explicite de l'Etat et peut probablement négocier dans des conditions très favorables.
>> Cet avantage des actions, empiriquement déjà faible pour les entreprises privées, est probablement nul pour une entreprise publique.
Nous pouvons donc conclure que l'argument 1 est erroné. Nous pourrions même rendre le résultat encore plus tranché que nous ne l'avons fait en supposant que l'Etat vient au secours de La Poste au cas où elle se trouve en difficulté. Dans ce cas La Poste peut de fait s'endetter au taux sans risque et donc financer ses investissements au taux le plus bas qu'il est possible d'obtenir. Se financer par actions peut être équivalent, mais ne peut en tout cas pas être moins cher.
Les actionnaires rendent-ils une entreprise plus efficace ? (argument 2)
Un autre argument souvent avancé est qu'une entreprise soumise à la discipline du marché est plus "efficace" qu'une entreprise entièrement détenue et gérée par l'Etat. Mais qu'entend-on par plus "efficace", et pourquoi le fait d'avoir des actionnaires changerait-il magiquement le mode de fonctionnement d'une entreprise ? C'est à vrai dire un cas intéressant d'entorse aux hypothèses du théorème de Modigliani-Miller. On peut envisager plusieurs éléments :
- Suite à l'ouverture de capital; l'entreprise ne recrute plus de fonctionnaires, ce qui diminue ses coûts de main-d'oeuvre. La Poste n'a pas attendu une ouverture de capital pour cela et repose déjà sur beaucoup d'emplois d'intérimaires et autres contrats plus ou moins précaires, ou du moins de droit privé. Par ailleurs, si la diminution des coûts ne vient que de la réduction des salaires, il ne s'agit pas vraiment d'un gain d'efficacité mais d'une redistribution de la richesse des salariés de La Poste vers l'Etat et les nouveaux actionnaires. Pour donner un ordre de grandeur en 2001, deux tiers des employés de La Poste bénéficiaient du statut de fonctionnaire.
- La surveillance exercée par les actionnaires sur la direction de La Poste contraint celle-ci à plus d'efficacité. Dans ce cas, cela veut dire que cette direction était inefficace ex ante ; c'est, hélas, bien possible, mais il est alors amusant que ce soit le principal dirigeant de La Poste qui juge nécessaire une ouverture de capital pour que les actionnaires surveillent son action, et tout autant d'entendre un ministre le soutenir, ce qui revient à avouer que lui-même est incapable d'assurer cette surveillance ou de nommer des gens compétents pour le faire.
- Les actionnaires donnent à la direction d'autres objectifs que ceux assignés par l'Etat, ce qui peut être préférable si le gouvernement assigne à l'entreprise des objectifs visant à maximiser son intérêt politique propre plutôt que l'intérêt général. Tout dépend alors de l'honnêteté du gouvernement d'une part, et des modalités de la concurrence sur le marché postal de l'autre. Il est presque sûr en tout cas qu'en l'absence de concurrence effective sur le marché postal la poursuite de la maximisation du profit par un monopole ou quasi-monopole semi-privé ne peut être qu'inefficace.
Avec l'arrivée de nouveaux concurrents, les conséquences théoriques ne sont pas claires ; aucun consensus n'existe non plus pour dire qu'empiriquement la concurrence permet d'assurer une meilleure qualité du service (au sens large : rapidité de la livraison, temps d'attente au guichet, sonnerie ou pas du postier à votre porte...).
Enfin si l'on en croit [Durupty, 2007] les entreprises publiques gagnent bien en efficacité du fait de leur ouverture aux capitaux privés, mais avant celle-ci ! Les dirigeants des entreprises publiques ont alors pour consigne de redresser les profits de l'entreprise afin que l'ouverture rapporte plus d'argent à l'Etat, et ont de plus intérêt à montrer leur compétence afin d'éviter d'être critiqués, voire poussés à la démission par les futurs actionnaires privés.
Il serait là encore surprenant que Jean-Paul Bailly recoure à un tel argument, qui implique simplement qu'il ne gère pas actuellement La Poste aussi bien que si l'Etat faisait davantage pression sur lui.
Contre-argument 1
Le problème des incitations d'un chef d'entreprise à poursuivre les objectifs des actionnaires et non les siens propres a été beaucoup étudié par les économistes, qui contrairement à l'image qu'on s'en fait parfois ont une confiance plus que restreinte dans l'honnêteté des dirigeants.
Un point particulièrement intéressant est que les chefs d'entreprise sont souvent tentés par la "construction d'empires" (qu'on pense à Jean-Marie Messier), la poursuite de la croissance en taille de leur firme au détriment de sa rentabilité économique et financière.
Au vu de la taille d'une entreprise comme La Poste, on peut craindre en effet que son patron ne soit tenté d'étendre géographiquement ses activités et de les diversifier sans que cela soit économiquement justifié, mais simplement pour satisfaire son ego, ou devenir "indéboulonnable", le groupe étant devenu extrêmement complexe à gérer (et à surveiller)...
La "free cash flow theory" [Jensen 1986] en conclut qu'il s'agit d'un excellent argument pour qu'une entreprise se finance par dette et laisse le moins possible de cash "libre" entre les mains d'un dirigeant qui ne l'utilisera pas forcément à bon escient.
Peut-on tromper le marché ? (argument 3)
Une autre hypothèse importante du théorème de Modigliani-Miller est que les marchés financiers sont efficaces : lorsqu'on vend les bénéfices futurs de La Poste on obtient en échange exactement ce qu'ils valent, ni plus ni moins.
Si ce n'est pas le cas, l'Etat peut espérer que les investisseurs achètent ces bénéfices futurs plus qu'ils ne valent vraiment et réaliser ainsi un profit purement spéculatif. Outre qu'on peut se demander si l'Etat est bien dans son rôle en se finançant ainsi (pourquoi pas, cela dit, puisque 35 % des actionnaires d'entreprises françaises sont étrangers), l'opération est bien évidemment risquée puisque elle peut tout aussi bien aboutir à ce que l'Etat vende ses parts pour moins qu'elles ne valent vraiment.
Contre-argument 2
On pourrait même soutenir que ces bénéfices seront forcément sous-évalués par le marché. Il est délicat en effet de savoir quels seront ces bénéfices, ce que donnera l'ouverture à la concurrence des services postaux etc.
La personne la mieux placée pour le savoir est certainement le patron de La Poste, ou du moins on peut l'espérer, et peut-être le gouvernement. Si vous songez à acheter des actions de La Poste au moment de l'ouverture de capital, vous vous direz que si les perspectives de profit de l'entreprise étaient très importantes l'Etat préfèrerait probablement les garder pour lui et ne chercherait pas à vendre des actions ; contraposée : s'il en vend, c'est donc que ces perspectives de profit ne sont pas si brillantes. Sachant cela, vous ne serez prêt qu'à payer un prix relativement faible pour des actions qui ne rapporteront pas autant qu'annoncé. Anticipant que vous et les autres investisseurs déduirez de l'ouverture de capital que les perspectives de profit sont faibles, l'Etat ne sera donc effectivement prêt à ouvrir son capital que dans le cas où ces perspectives sont faibles (sinon il vendrait des profits élevés au prix des profits bas et y perdrait), ce qui donne raison à vos anticipations pessimistes [Majluf et Myers 1984].
Ce cas ne se présente pas si La Poste se finance par dette : peu importe alors aux investisseurs que les perspectives de profit soient faibles ou élevées, du moment qu'elles sont suffisantes pour que la dette soit remboursée, ou que l'Etat s'en porte garant.
Le seul cas où ce problème ne rend pas le financement par actions plus coûteux que le financement par dette est celui où le gouvernement ou bien le patron de La Poste cherchent à maximiser leurs intérêts privés, et non ceux de l'Etat comme actionnaire.
Effectivement, on observe empiriquement que se financer par actions est un mauvais signal envoyé au marché, qui en déduit immédiatement que l'entreprise est survalorisée ; raison pour laquelle les nouvelles actions sont généralement proposées à un niveau moindre que le niveau historique le plus récent.
Quelques pistes sur les objectifs du gouvernement (argument 4)
Il faudrait pour examiner cet argument sortir de la théorie économique et peut-être aussi d'une approche objective du problème. Si ouverture de capital il y a, il sera aisé de voir si cet argument était valable en comparant l'argent levé par cette formule et les nouveaux investissements effectivement réalisés.
Historiquement, les privatisations par les gouvernements de droite comme de gauche ont souvent eu comme source le besoin d'équilibrer un budget difficile plus qu'un réel souci d'efficacité économique. Un point de vue intéressant est celui d'Alexandre Siné [2006], selon qui les différentes théories économiques permettant de justifier les privatisations ont servi de "facilitateurs de pratique" : qu'elles soient vraies ou non, ce qui intéresse les gouvernements est qu'elles puissent servir à justifier une action rendue nécessaire par des considérations politiques tout autres.
>> Un lien sur la rémunération comparée des patrons d'entreprises publiques et privées
Au final les raisons avancées pour l'ouverture du capital de La Poste nous semblent donc soit fausses soit insuffisantes, ce qui ne veut pas dire qu'il ne puisse exister d'autres bonnes raisons.
En attendant qu'on nous en donne, en dehors de toute considération sur la qualité du service fourni, indépendamment de toute préférence politique, c'est sur la base de travaux économiques des plus classiques que nous pouvons conclure que l'ouverture du capital de La Poste n'a rien de nécessaire comme moyen de financer de nouveaux investissements.
Que seules des parties ayant des intérêts privés dans l'ouverture de capital soient à l'origine du débat et de ces arguments contestables nous semble suffisant pour qu'on puisse s'opposer à ce projet d'ouverture de capital en l'attente de nouveaux arguments ou de nouvelles enquêtes (à l'appui de l'argument 2 notamment).
(1) De façon générale, rappelons que "l'objectif d'une entreprise", c'est-à-dire le but assigné à ses dirigeants, est en principe de maximiser le gain pour ses actionnaires actuels, non potentiels. Il n'est pas anodin que l'on parle de mandataires sociaux pour les dirigeants, les mandants étant les propriétaires.
Références :
Durupty, M. 2007 : Les ouvertures de capital des entreprises publiques, Regards Croisés sur l'Economie, n° 2.
Jensen, M. 1986 : Agency Costs of Free Cash Flow, Corporate Finance and Takeovers, American Economic Review, vol. 76.
Majluf, N. et S. Myers 1984 : Corporate Financing and Investment Decisions When Firms Have Information That Investors Do Not Have, Journal of Financial Economics, vol. 13.
Miller, M. 1977 : Debt and Taxes, Journal of Finance, vol. 32.
Miller, M. et F. Modigliani 1958 : The Cost of Capital, Corporation Finance, and the Theory of Investment, American Economic Review, vol. 48.
Myers, S. 1977 : The Determinants of Corporate Borrowing, Journal of Financial Economics, vol. 5.
Siné, A. 2006 : L'ordre budgétaire, Economica, Paris.
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Merci à Emmeline et Jean Edouard de www.mafeco.fr pour cette analyse TRÈS ENRICHISSANTE !
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